1987 - Cason
An | 1987 |
Navire | Herald of Free Entreprise |
Lieu | Au Nord de l'Espagne |
Type de cargo | En colis |
Produits chimiques | ACIDE PHOSPHORIQUE liquide , ACIDE SULFURIQUE (avec plus de 51% d'acide) , ACIDE SULFURIQUE (fumant) , ACIDE SULPHURIQUE (résiduaire) , CRESOLS (ortho, meta, para) , DIISOCYANATE DE DIPHENYLMETHANE-4,4 , FORMALDEHYDE en solution, inflammable , SODIUM métal |
Résumé
À 04 h 55 le 5 décembre 1987, le navire de charge Cason, battant pavillon panaméen, qui naviguait par gros temps à faible distance de la façade nord-ouest de l'Espagne, près du cap Finisterre, en route d'Anvers à Shanghai, a envoyé un message de détresse notifiant qu'un incendie s'était déclaré à bord et qu'il demandait une assistance. À 05 h 55, un message indiquait que l'incendie faisait rage, que l'équipage abandonnait le navire et embarquait dans les embarcations de sauvetage. On a immédiatement mobilisé les services de sauvetage, y compris trois hélicoptères, un remorqueur, des vedettes de secours et tous les navires qui naviguaient dans cette zone. Seuls huit des trente et un membres de l'équipage ont pu être sauvés.
Durant les premières heures des opérations de sauvetage, personne n'avait la moindre idée de la nature des marchandises dangereuses qui se trouvaient à bord. Tout ce que l'équipe de secours avait appris de la lecture des étiquettes de risques qu'elle avait vues sur certain des conteneurs et fûts arrimés sur le pont était qu'il y avait à bord des matières inflammables et toxiques. Les membres sauvés de l'équipage n'étaient pas non plus très coopérants avec les autorités, qui n'ont pu obtenir que très peu d'information de leur part.
Après le sauvetage des survivants et la récupération des corps des défunts, le remorqueur de sauvetage a essayé de passer une remorque sur le navire pour éviter qu'il n'aille sur les rochers, mais le mauvais temps et l'incendie qui continuait de sévir à bord rendaient l'opération difficile et, finalement, le vent a poussé le navire à la côte où il s'est échoué près du cap Finisterre.
Le lendemain, le 6 décembre, la journée a été calme avec le navire échoué et de la fumée qui sortait de ses cales. La presse a fait état des opérations de sauvetage. Dans l'intervalle, des effort étaient faits, par la force spéciale de la CEE et par les autorités maritimes des ports de Hambourg, de Rotterdam et d'Anvers, pour fournir à l'administration maritime espagnole des renseignements détaillés sur la cargaison et le plan d'arrimage du navire.
Le matin du 7 décembre, l'Autorité maritime nationale, à Madrid, a déclenché le plan d'urgence national. Dans l'après-midi, les autorités ont reçu des informations sur l'identité des marchandises et leur emplacement à bord. Ces renseignements ont été communiqués à la presse qui, déjà, s'était livrée à des spéculations et avait commencé à semer la panique parmi la population locale.
Après avoir pris connaissance de la liste des marchandises dangereuses et du plan d'arrimage à bord du Casson (Figure 1), on a entrepris une analyse de la situation et la planification des opérations de prévention de la pollution.
narratif
À 04 h 55 le 5 décembre 1987, le navire de charge Cason, battant pavillon panaméen, qui naviguait par gros temps à faible distance de la façade nord-ouest de l'Espagne, près du cap Finisterre, en route d'Anvers à Shanghai, a envoyé un message de détresse notifiant qu'un incendie s'était déclaré à bord et qu'il demandait une assistance. À 05 h 55, un message indiquait que l'incendie faisait rage, que l'équipage abandonnait le navire et embarquait dans les embarcations de sauvetage. On a immédiatement mobilisé les services de sauvetage, y compris trois hélicoptères, un remorqueur, des vedettes de secours et tous les navires qui naviguaient dans cette zone. Seuls huit des trente et un membres de l'équipage ont pu être sauvés.
Durant les premières heures des opérations de sauvetage, personne n'avait la moindre idée de la nature des marchandises dangereuses qui se trouvaient à bord. Tout ce que l'équipe de secours avait appris de la lecture des étiquettes de risques qu'elle avait vues sur certain des conteneurs et fûts arrimés sur le pont était qu'il y avait à bord des matières inflammables et toxiques. Les membres sauvés de l'équipage n'étaient pas non plus très coopérants avec les autorités, qui n'ont pu obtenir que très peu d'information de leur part.
Après le sauvetage des survivants et la récupération des corps des défunts, le remorqueur de sauvetage a essayé de passer une remorque sur le navire pour éviter qu'il n'aille sur les rochers, mais le mauvais temps et l'incendie qui continuait de sévir à bord rendaient l'opération difficile et, finalement, le vent a poussé le navire à la côte où il s'est échoué près du cap Finisterre.
Le lendemain, le 6 décembre, la journée a été calme avec le navire échoué et de la fumée qui sortait de ses cales. La presse a fait état des opérations de sauvetage. Dans l'intervalle, des effort étaient faits, par la force spéciale de la CEE et par les autorités maritimes des ports de Hambourg, de Rotterdam et d'Anvers, pour fournir à l'administration maritime espagnole des renseignements détaillés sur la cargaison et le plan d'arrimage du navire.
Le matin du 7 décembre, l'Autorité maritime nationale, à Madrid, a déclenché le plan d'urgence national. Dans l'après-midi, les autorités ont reçu des informations sur l'identité des marchandises et leur emplacement à bord. Ces renseignements ont été communiqués à la presse qui, déjà, s'était livrée à des spéculations et avait commencé à semer la panique parmi la population locale.
Après avoir pris connaissance de la liste des marchandises dangereuses et du plan d'arrimage à bord du Casson (Figure 1), on a entrepris une analyse de la situation et la planification des opérations de prévention de la pollution.
Reprendre
Le navire était échoué à environ 100 mètres de distance du rivage, parmi les rochers, et presque toute la carène du navire était endommagée. L'eau envahissait toutes les cales à cargaison ainsi que la tranche des machines. Dans ces conditions, une remise à flot du navire serait extrêmement difficile. On pouvait voir de la fumée sortir des cales no 1 et 2, bien
qu'il n'y eût aucun signe visible de feux, et de petites quantités de combustible de soute fuyaient dans la mer.
Après une évaluation sur la base des profils du GESAMP, le risque principal de pollution chimique provenait des chargements d'aniline, d'orthocrésol et de diphénylméthane-4, et 4-diisocyanate (MDI). Le Code IMDG attribue à ces trois matières la classe 6.1 (toxique), mais seulement l'orthocrésol est classé en tant que "polluant marin". Les autres matières sont inflammables ou corrosives et, à l'exception des soutes du navire, ne présentent que peu de danger pour le milieu marin.
Toutefois, parmi toutes les cargaisons, les fûts de sodium colisés dans des conteneurs (classe 4.3) présentaient la menace la plus grave. Le Cason transportait 11 conteneurs: 1 430 fûts totalisant 126 tonnes de sodium. Le sodium est un métal qui flotte et réagit violemment avec l'eau ou l'humidité pour produire de l'hydrogène qui est hautement inflammable et peut s'enflammer spontanément au cours du processus. Il est aussi corrosif pour la peau et les yeux.
Après une visite à bord du navire, le plan d'action suivant a été établi:
1. enlèvement du sodium arrimé sur le pont;
2. enlèvement du sodium dans la cale no 1;
3. déchargement des marchandises situées sur le pont dans l'ordre de priorité suivant: orthocrésol, MDI, formaldéhyde, acides phosphorique et sulfurique et le reste des marchandises;
4. transfert du combustible de soute;
5. déchargement des marchandises qui se trouvent dans les cales, à commencer par les plus dangereuses.
Quatre navires de sauvetage équipés pour la lutte contre la pollution, ainsi que d'autres navires auxiliaires, étaient initialement disponibles pour l'opération. Des dispositions ont également été prises pour obtenir de compagnies d'assistance hollandaises des grues puissantes, mais les experts de ces compagnies n'étaient pas attendus avant le 10 décembre au soir et le matériel lourd de hissage, pas avant le 14 décembre.
Durant les 8, 9 et 10 décembre, en attendant l'arrivée du matériel lourd de hissage pour le déchargement du sodium, on a débarqué 204 fûts d'orthocrésol et 29 fûts de formaldéhyde. Mais le mauvais temps a obligé de suspendre les opérations.
Dans les jours qui suivirent le 10 décembre, des fûts de sodium ont été brisés par l'action des vagues et ont réagi violemment avec l'eau. Des explosions se sont produites sur toute la longueur du navire car le sodium était arrimé au-dessus de plusieurs cales. Les réactions ont également provoqué la propagation de l'incendie à d'autres marchandises inflammables et le 10 et 11 décembre, tout le pont du navire était en proie à des incendies et des explosions (Figure 2). Des réactions alimentées par le sodium ont également été observées dans la mer car des fûts étaient tombés à l'eau pendant l'accident.
Vers les 10 et 11 décembre, les journalistes étaient arrivés dans les villes voisines et les nouvelles et les spéculations semaient l'alarme dans la population locale. Malgré les efforts déployés par les autorités pour expliquer qu'il n'y avait aucun danger immédiat (les populations les plus proches étaient à 6 km du lieu de l'accident), l'hystérie et la panique engendrées par les média ont obligé les autorités à ordonner l'évacuation de la zone. Les services de la protection civile et les autres autorités locales ont organisé l'évacuation. L'évacuation a eu lieu tard dans la nuit. 300 autobus ont été envoyés dans la région et des information ont été transmises par la station radio locale sur la procédure d'évacuation et la
direction à prendre afin d'éviter le "nuage toxique". Ces instructions ont accru la confusion et les gens ont abandonné les villes en utilisant leurs propres moyens de transport ou à pied. Les lignes téléphoniques étaient bloquées par les appels des personnes qui demandaient des renseignements. En fin de compte, les personnes ont été hébergées dans des centres d'accueil et les hôtels ont été mis en réserve. On a fait appel à l'armée pour le cas où il faudrait contrôler la foule. Pendant que l'évacuation avait lieu, la chaîne des incendies et explosions générés par le sodium se déroulait également. Cette coïncidence a encore aggravé les inquiétudes de la population locale. Après deux à trois jours, les habitants sont rentrés dans leurs foyers mais le problème des relations avec le public restait toujours d'actualité.
Vers le 12 décembre, tout le sodium avait réagi et l'incendie avait été éteint par les vagues. L'état de la mer permettait de procéder à une inspection pour vérifier qu'il n'y avait pas de libération de gaz toxiques, que tout le sodium avait réagi avec l'eau et que toutes les cales étaient inondées.
Le plan initial de sauvetage prévoyant le déchargement des marchandises selon un ordre de priorité, a été réactivé. Une grue flottante puissante avait été mise en position à côté du navire échoué ainsi qu'une barge pour le stockage des marchandises récupérées; elle était assistée de deux navires (Figure 3). Le mauvais temps a ralenti les progrès de l'opération mais, du 19 au 20 décembre, un total de 21conteneurs et un petit nombre de fûts et de caisses avaient été récupérés. De nombreux fûts, qui avaient été emportés par les vagues, venaient atterrir sur les plages. Il a été alors nécessaire de prévoir un endroit pour l'identification et le sauvetage de ces fûts au cas où l'un d'eux contiendrait des marchandises dangereuses.
Par la suite, sept semaines de mauvais temps ont considérablement handicapé les travaux de sauvetage. Cette période été mise à profit pour alléger le navire d'une partie de son combustible car les opérations de récupération ne pouvaient avoir lieu que pendant des créneaux très courts.
Après le 18 février 1988, le temps s'est amélioré et il a été possible de travailler plus ou moins continuellement. La cargaison dangereuse a été récupérée bien que l'on ait eu d'énormes difficultés pour décharger les fûts arrimés sous le pont; en effet, le feu et l'action des paquets de mer avaient semé le plus grand désordre parmi les marchandises diverses. Il a été décidé, pour ouvrir un chemin vers les marchandises dangereuses, de faire appel à une grue puissante, équipée d'une benne capable de déchirer le pont et les murailles du navire.
Même après que le plus gros de la cargaison dangereuse ait été récupéré, l'aniline était toujours à bord car elle était arrimée dans les cales inférieures qui étaient inaccessibles. Finalement, après l'enlèvement du pont des cales, il a été possible de récupérer cette cargaison dangereuse. Le 12 mars, on a estimé que la récupération des marchandises dangereuses était terminée, mais on a continué à surveiller la zone afin d'identifier tout fût qui aurait pu être emporté par les vagues ainsi que pour déterminer le degré de pollution due au combustible de soute et aux résidus huileux des machines.
Malgré le caractère spectaculaire de l'opération, il n'y a pas eu d'accident mortel: trois personnes ont été légèrement blessées et une personne a montré des symptômes d'un léger empoisonnement à l'aniline.
Au début des opérations de sauvetage, on avait mis en place un plan de surveillance de la pollution marine et atmosphérique
Pour la pollution de l'air, on avait établi un réseau de détection. On n'a détecté aucune contamination significative de l'atmosphère. Au cours des journées où il y avait eu réaction du sodium avec l'eau de mer, on a pu observé de grands panaches blancs de vapeurs; pour la plupart du temps, il s'agissait de nuages de vapeur d'eau, mais ces panaches blancs inquiétaient la population.
La pollution marine n'a jamais atteint un haut degré de concentration car le combustible et les produits chimiques s'étaient déversés dans la mer par intermittence et en petites quantités. Néanmoins, à titre de mesure de sauvegarde, on a mis en place un moratoire de la pêche dans un rayon de 10 milles autour de l'épave. Même lorsque la pêche était autorisée dans les autres zones, les habitants de la Galice se sont abstenus d'acheter du poisson, ce qui a eu un impact économique sur les moyens d'existence des pêcheurs.
Pendant les journées de très mauvais temps, on avait pu observé un certain nombre de nappes, d'un jaune foncé, qui se formaient à une distance d'à peine un mille du navire. Ces nappes résultaient de fuites des fûts endommagés; elles dégageaient un odeur de produit chimique et ressemblaient à de la "mousse de citron", probablement le résultat d'un cocktail combustible-produit chimique. Toutefois, elles ne semblaient pas émettre des vapeurs toxiques comme cela a été confirmé par l'analyse chimique et aussi par la présence d'oiseaux marins que l'on voyait voler au-dessus des nappes sans être affectés. A cause des fortes tempêtes et aussi parce que les grosses vagues ne permettaient pas d'utiliser les embarcations et aussi du fait de la proximité des brisants de la côte, il n'a pas été possible de récupérer les matières déversées. Sous l'influence de la forte action des vagues, la "mousse" s'est dispersée naturellement en un ou deux jours.
L'analyse chimique des premiers échantillons d'eau de mer a donné des résultats négatifs, indiquant que même si certaines quantités de matières étaient présentes, leur concentration était si faible qu'il était impossible de les détecter. Les résultats des analyses pendant les mois de décembre et janvier indiquaient que, en règle générale, les traces de polluants dans la mer restaient négligeables. Seulement en de rares occasions a-t-on pu observer des concentrations plus importantes dans des échantillons prélevés jusqu'à un mille du navire. C'était le résultat d'un fût qui avait été brisé par le mauvais temps. Par exemple, le 14 janvier, on a détecté 11 à 25 ppm d'orthocrésol ainsi que des traces minuscules d'aniline et de xylènes. L'analyse de poissons et de crustacés n'a révélé aucun effet dommageable à long terme.
Des problèmes se sont posés lors de l'élimination des fûts contenant un produit dangereux. Les résidents des zones portuaires voisines, incités par certaines organisations qui avaient semé la panique quant aux effets éventuels pour la santé humaine, n'ont pas permis le stockage temporaire de ces fûts dans les zones portuaires du voisinage. Les autorités ont donc décidé d'envoyer les fûts à "Alumina Española", une usine à proximité du port de San Ciprian. Cependant, les habitants d'un village situé sur la route du port de San Ciprian ont intercepté les camions et la police a dû intervenir. En fin de compte, les fûts ont été transportés sur un site militaire.
Dans les jours qui suivirent, provoqués par les informations alarmistes répandues par certaines organisations et les media, la population locale et les ouvriers de l'usine "Alumina Española" ont manifesté contre les pouvoirs publics qui ont dû décider que les fûts seraient transportés par mer jusqu'au port de Rotterdam, le port d'origine de la cargaison. Le problème a finalement trouvé sa solution (des mois plus tard) mais non pas avant l'arrêt de la production de l'usine par les travailleurs en grève, grève qui a paralysé le processus électrolytique de production de l'aluminium.
Enfin, bien que les déversements aient été le résultat de colis brisés par l'action des vagues, la pollution de l'eau n'a jamais atteint des concentrations élevées; cela parce que les déversements se sont produits de façon intermittente, que les quantités libérées étaient faibles et qu'elles étaient diluées et se dispersaient sous l'action des vagues d'une mer qui, en général, était fortement agitée dans la zone de l'accident.
Les autorités espagnoles estimaient que leurs efforts persistants, étalés sur une longue période, pour récupérer la cargaison du Cason avaient été pleinement justifiés car cela avait permis de minimiser ce qui aurait pu être une pollution marine majeure. A un certain moment, les assureurs du corps du navire et assureurs facultés du P&I avaient conseillé au gouvernement espagnol de ne pas se débattre dans des opérations de sauvetage pendant les longs mois de l'hiver. Ils soutenaient qu'une fois que l'incendie allumé par le sodium serait éteint, il serait préférable de ne pas s'occuper de l'épave jusqu'au printemps et qu'à ce moment-là les opérations de nettoiement pourraient se dérouler plus rapidement et à moindre coût.
Les autorités espagnoles, toutefois, ont argué que les modalités de l'arrimage des marchandises dangereuses dans les cales du Cason accroissaient considérablement les difficultés de récupération. Elles ont, en outre, convenu que ces progrès lents signifiaient que la cargaison devrait rester à bord plus longtemps et que plus longtemps les matières dangereuses resteraient à bord, plus grande serait la possibilité de pollution.